3. Celle qui fait rire le Pape
Suite à la décision du Concile de Latran IV de refuser de nouvelles règles de vie religieuse, Claire est contrainte d’adopter la Règle monastique de St Benoît, la plus courante à l’époque. Aussitôt, par fidélité à son intuition évangélique, elle sollicite du Pape Innocent III le « Privilège de Pauvreté » qui garantit aux sœurs de St-Damien le droit de vivre sans propriétés ni revenus.
Cette demande semble étrange en un siècle où l’Eglise d’Occident est toute puissante. Les évêchés et monastères sont répandus dans toute l’Europe et possèdent d’immenses propriétés auxquelles sont liés des revenus : impôts et redevances. Evêques et abbés sont des personnages importants ; certains vivent dans le luxe, engagent des procès et font la guerre pour défendre leurs intérêts. Le Pape lui-même jouit d’un pouvoir de type impérial qui lui permet de gouverner l’Eglise à la manière d’un monarque.
C’est à ce chef d’une Eglise riche et puissante qu’une jeune fille de 21 ans ose demander le « privilège de vivre pauvre ». L’expression en dit long : en quoi, en effet, l’imitation du Christ pauvre exige-t-elle l’obtention d’un privilège ? la pauvreté semble plutôt le chemin obligé du disciple de Jésus !… Cependant Claire fait cette demande en connaissance de cause : de souche patricienne, elle sait d’expérience quels sentiments de domination provoquent les grandes possessions terriennes. Thomas de Celano, le biographe de Claire, nous rapporte la réaction du Pape : il part d’un grand éclat de rire !… Jamais on n’a formulé pareille demande dans l’Eglise romaine ! Pourtant, touché sans doute par la lumière qui inonde la démarche de Claire, il accorde ce privilège « révolutionnaire » d’imiter « le plus beau des enfants des hommes qui s’est fait le dernier des humains. »
Christine Daine, clarisse