La quatrième Lettre à Agnès de Prague est vraisemblablement la dernière que Claire adressa à son amie. Elle date sans doute de l’année de sa mort en 1253. Elle offre un accès saisissant au cœur de la spiritualité de Claire et témoigne de plus en plus fort du lien intime qui les unit. La symbolique du miroir, si fréquente au Moyen Age, y apparait. Le Christ est miroir de Dieu. Dans ce miroir on ne se regarde pas soi-même, mais c’est Jésus lui-même que l’on contemple, de la crèche à la croix et dans toute son existence. Il s’agit d’y laisser réfléchir sa propre image afin qu’elle soit transformée petit à petit dans le visage du Fils de Dieu.
« A la moitié de son âme et à la dépositaire unique d’un amour profond, à l’illustre reine, à Agnès, sa mère très chère et sa fille singulière entre toutes, Claire , indigne servante du Christ et servante inutile de ses servantes…même si je ne t’ai pas écrit aussi souvent que ton âme et la mienne le désirent également, … ne crois nullement que l’incendie de la charité brûle moins suavement à ton égard dans les entrailles de ta mère.
Heureuse celle à qui est donné de s’attacher de toutes les profondeurs du cœur à Celui dont toutes les bienheureux du ciel admirent sans cesse la beauté, dont l’affection affecte, dont la contemplation restaure, dont la bienveillance comble, dont la suavité rassasie, dont la mémoire brille suavement ; à son odeur les morts revivront, sa vision glorieuse rendra bienheureux tous les citoyens de la Jérusalem céleste : comme il est splendeur de gloire et éclat de la lumière éternelle, il est miroir sans tache.
Ce miroir, regarde-le chaque jour et réfléchis sans cesse en lui ton visage, pour ainsi te parer tout entière intérieurement et extérieurement des vêtements de toutes les vertus. Dans ce miroir resplendissent la bienheureuse pauvreté, la sainte humilité et l’ineffable charité, comme, avec la grâce de Dieu, tu pourras le contempler en parcourant tout le miroir.
Sois attentive au principe de ce miroir, à la pauvreté de Celui qui a été posé dans une crèche et enveloppé de petits langes. O admirable humilité, ô étonnante pauvreté : le roi des anges, Seigneur du ciel et de la terre, est couché dans une crèche !
Au centre du miroir, considère la sainte humilité, la bienheureuse pauvreté, les souffrances et peines innombrables qu’il a endurées pour la rédemption du genre humain.
Au bout de ce miroir, contemple l’ineffable charité par laquelle il a voulu souffrir sur le bois de la croix et y mourir du genre de mort le plus honteux de tous.
Aussi le miroir lui-même, placé sur le bois de la croix, avertissait-il les passants de considérer cela en disant : Ô vous tous qui passez par la route, regardez et voyez s’il y a une douleur semblable à ma douleur. Répondons d’une seule voix, d’un seul esprit à celui qui s’écrie et pleure : Je me remémorerai ta mémoire et mon âme s’effondrera en moi. »
Prière du jour et du cœur
Jésus notre frère
Claire t’a aimé de tout son être
Attachée de tout son cœur à Toi
Dont l’amour rend plus heureux
Et la contemplation plus fort
Guide nos pas vers l’unique nécessaire
Qui comblera nos cœurs.