XIIIe siècle
Arrivée des frères en Belgique. Premières fondations.
François aimerait se rendre en France et dans les Pays-Bas, où un grand respect pour le corps du Christ y est manifesté. Mais sur le conseil du cardinal Hugolin, il reste en Italie et c’est le frère Pacifique qui pénètre en France et y fonde plusieurs maisons puis arrive dans les Pays-Bas, région peuplée et prospère, qui voit les fondations se multiplier rapidement.
Quelques dates et lieux d’installation: Bruges et Gand (1225), Audenaerde (1230), Mons (1228), Tournai (1235), Namur (1224), Dinant et Huy (1228), Nivelles (1232), Saint-Trond (1225), Louvain, Diest et Bruxelles (1228), Malines (1231).
Les frères mineurs optent pour les principales villes de Belgique, dans des endroits populeux où grouille la vie réelle. La multiplication des frères et des maisons entraîne la division des provinces en custodies. Avec ses 25 couvents, la Belgique appartient à 5 custodies différentes. L’expansion rapide des frères témoigne à la fois des besoins de la population et de la capacité des frères à répondre à ces besoins.
Après un XIIIe siècle exaltant s’installe peu à peu un certain laisser aller dans tout l’ordre: relâchement de la discipline dans les couvents, enrichissement des maisons, manque de ferveur, déclin des études…
XVe et XVIe siècles
Le mouvement de l’observance
En réaction à ces abus, un retour aux sources s’opère. cette réforme, approuvée par le concile de Constance en 1415, est désignée sous le terme d’Observance.
Face au refus des anciens couvents d’accepter la réforme, les frères réformés décident de fonder de nouveaux couvents où l’on vivrait davantage selon la Règle et les grandes déclarations pontificales.
Léon X (1513-1521) tente la réunification des frères en leur imposant à tous la même constitution. En fait, il voit plus loin que les rivalités entre frères ou provinces: Luther devient influent et menace de diviser la chrétienté. Unis, les frères mineurs seront une force capable d’arrêter le raz-de-marée protestant. Il convoque donc à Rome un chapitre exceptionnel de l’Ordre, dit Chapitre généralissime, à la Pentecôte 1517, et il exhorte les frères à s’unir pour le bien de l’Eglise. Mais c’est l’échec: le Chapitre s’interrompt sur ce désaccord !
Léon X publie une bulle « Ite et nos » le 25 mai : tous les frères, réformés ou non, seront désormais soumis à un seul ministre général choisi dans le groupe le plus nombreux des réformés (les Observants) ; il portera le titre de « Ministre général de tout l’ordre des frères mineurs » et sera déclaré « seul et véritable successeur de Saint François ».
De nouvelles constitutions seront rédigées et devront être observées par tous. Ceux qui refuseraient ces dispositions seront exclus de l’ordre et constitueront une nouvelle congrégation avec sa tête un « maître général » dont l’élection devra cependant être confirmée par le ministre général.
Les frères ont un an pour se prononcer… En juillet 1518, un nouveau chapitre général est convoqué à Lyon où les provinces sont réorganisées.
1518 est une année importante pour l’ordre franciscain.
Les provinces belges
Les custodies de Flandre, d’Artois, du Brabant, qui dépendent de la France et de l’Allemagne, demandent leur autonomie.
Que faire de ces custodies ?
Bien vite on pense en faire une province belge mais les frères des custodies d’Artois (précédemment colétans) refusent de quitter la province française.
La province de Flandre accepte cette proposition et devient une province autonome. Elle compte alors quinze couvents : sept néerlandophones et huit francophones.
D’autres couvents belges (Mons, Tournai,…) continuent donc à dépendre de la France au point de vue religieux et de l’empire au point de vue civil. Situation génératrice de difficultés telles que la custodie de Saint André (Artois) se décide à demander son autonomie et à devenir une province belge.
Côté germanique, la province observante de Cologne, fondée en 1518, voit la custodie de Brabant (Brabant flamand, Limbourg et Brabant hollandais) demander son autonomie (suite au grand nombre de frères) et devenir la province de Germanie Inférieure en 1529.
La Province de Flandre
La vitalité et le rayonnement de la province Saint-Jérôme (dite « province de Flandre ») étaient réels au XVIème siècle. De 1535 à 1552, le nombre de frères passa de 400 à 800 ! Mêlés à la population, bien vus du clergé, ils luttaient contre le protestantisme mais refusaient de siéger dans les tribunaux de l’Inquisition et étaient surtout soucieux des besoins des gens. Des frères ont été martyrs, emprisonnés, torturés ou massacrés par les Calvinistes, surtout dans le nord du pays. En Wallonie, plusieurs couvents furent pillés. On estime que trente-trois frères furent massacrés.
Quand en 1520, Charles-Quint apprend le débarquement au Mexique de Herman Cortès et les massacres qui s’ensuivent, il demande à ses amis observants de Gand d’envoyer quelques frères évangéliser les Indiens et tempérer les excès des conquistadors. Quelques frères se présentent: Jean Glapion, gardien du couvent de Gand et confesseur de l’empereur, Jean Dutoit et Pierre de Gand, grand évangélisateur du Mexique durant une cinquantaine d’années, il y est encore considéré aujourd’hui comme un des fondateurs de la nation.
Malgré le zèle des frères observants, malgré leur piété et leur esprit de pauvreté, malgré leurs souffrances et leurs martyrs, un fait troublant commence à inquiéter les frères à partir des années 1580: le nombre de novices diminue progressivement ! Les supérieurs ne s’inquiètent pas : la situation est semblable tant en Allemagne qu’en France. Rome juge la situation autrement et exhorte les provinciaux à réformer leur province.
Le mouvement de la Réforme
Le mouvement de Réforme commence aux Pays-Bas en 1597, sous l’influence des capucins. Dans la Province de Flandre, le courant de réforme ne prend pas. Cependant, quelques frères du couvent d’Ath décident d’entreprendre la réforme en s’inspirant des capucins: plus grande pauvreté, deux heures d’oraison par jour, habit plus étroit, manteau plus court, sandales même en hiver. Averti, le provincial ne répond pas. Finalement, Farciennes est désigné. Une douzaine de frères réformés s’y rendent le 24 juin 1597. Courageux dans l’adversité, ils gagnent la sympathie des gens et très vite, des jeunes se présentent pour entrer dans l’ordre. Farciennes devient vite trop petit. Le chapitre de 1598 accorde aux réformés le couvent de Nivelles.
Un problème se pose: ne va-t-on pas vers une division des frères en deux groupes ? D’une part, les observants, de l’autre, les réformés.
Les supérieurs ne veulent pas de cette division. Les réformés, eux, font des démarches officieuses à Rome en vue de la division (comme en France). La province de Flandre évite la séparation grâce à l’élection d’un nouveau provincial en 1607: Jérôme Fortier, qui adopte aussi le nom de « récollets » (comme en France et en Espagne) afin de se distinguer des ‘’réformés italiens’’.
Rôle décisif de Pierre Marchant
Pierre Marchant est l’homme qui a marqué le plus profondément la réforme franciscaine dans les Pays-Bas. Au chapitre provincial de 1619 il insiste pour que la réforme soit étendue à tous les couvents sans tarder et propose d’établir dans ce but une sorte de visiteur permanent des couvents. Il est lui-même désigné pour cette charge et constate que les couvents flamands acceptent la réforme alors que les wallons se montrent plus réticents.
En 1625, il est élu provincial de la province de Flandre et rédige des nouveaux statuts en prenant pour base ceux de Jean de Maubert en 1451 ; divise la province en deux : une province de couvents flamands récollets et une province wallonne observante.
Au chapitre de 1628, Pierre Marchant devient le provincial de la province Saint-Joseph dans le comté de Flandre et les couvents wallons restent la vieille province Saint-Jérôme, dite ‘’province de Flandre’’ mais sans aucun couvent flamand sur son territoire, avec Mathias Hauzeur comme provincial.
XVIIIe siècle
Les récollets ont résisté jusqu’à la Révolution française aux pressions extérieures, nombreuses surtout pendant la seconde partie du 18ème.
Déjà à la fin du règne de Louis XIV, les mentalités changent en France: l’absolutisme du roi d’abord, ensuite tout absolutisme est mis en question (même dans l’Eglise où l’on garde ses distances vis-à-vis de Rome).
Les gouvernements tant en France , qu’en Autriche ou en Allemagne, supportent mal que les religieux soient soumis à Rome. Les religieux, eux-mêmes, sont souvent mal vus. Par les autorités politiques et parfois par la population. Riches, possédant de grandes propriétés, travaillant peu, pas toujours très édifiants, parfois mal à l’aise dans leur habit monastique…
Les récollets, cependant, continuent à être bien considérés à cause de leur vie plus modeste et des nombreux services qu’ils rendent à la population. Néanmoins, malgré eux, ils sont pris dans un certain climat défavorable.
En France, la Commission des Religieux, fondée en 1766, veut réformer la vie religieuse et imposer des lois identiques à l’ensemble des religieux.
En Autriche, dont dépendent les Pays-Bas, en 1781, Joseph II décrète que toutes les maisons religieuses de son territoire seront indépendantes de toute autorité extérieure. (Plus de visite canonique du ministre général. Seules les visites fraternelles sont autorisées…). Les provinces d’une nation seront réunies en une seule entité avec un seul conseil et des statuts uniques. Méthode inapplicable, lui font respectueusement remarquer les définitoires des trois provinces belges. Un seul visiteur ne pourra visiter et veiller au bien spirituel des 60 couvents de frères et des 90 de sœurs en territoire autrichien, auxquels il faut ajouter les couvents d’hommes et de femmes situés dans la principauté de Liège.
Comme solution, le gouvernement propose trois districts :
- celui de la Sambre pour les couvents wallons ;
- celui de Flandre pour les couvents flamands ;
- celui de la Meuse pour les couvents liégeois, divisés en 2 sections : la Meuse flamande et la Meuse wallonne.
Trois provinces devenues cinq entités.
Fiction plutôt que réalité car les définitoires continuent à fonctionner comme par le passé !
1786, nouvelles difficultés: Joseph II décrète que tous les séminaristes (séculiers et réguliers) doivent faire leurs études au séminaire général de Louvain qu’il vient d’ouvrir. Evêques et supérieurs religieux protestent vivement contre cette décision tandis que les ordres mendiants y résistent pendant trois ans. Seule la menace de fermer les couvents des récalcitrants les fait plier. Pas pour longtemps. Joseph II meurt en mars 1790 et son frère Léopold I qui lui succède a bien d’autres soucis.
La France envahit les Pays-Bas et en 1796, confisque les biens des religieux. Les récollets sont expulsés et leurs couvents vendus (parfois rachetés par les religieux eux-mêmes) Les prêtres occupent les charges pastorales libérées par les curés qui ont quitté le pays, quant aux frères non prêtres, ils n’ont d’autre recours que de rejoindre leur famille et de s’adonner aux travaux de leur métier.
Les définitoires se réunissent clandestinement, l’espoir de reprendre la vie commune subsiste mais le rêve ne se réalise pas. Les frères vieillissent, beaucoup sont décédés, la situation politique ne se montre guère favorable aux religieux (le concordat entre le Saint-Siège et Napoléon concerne surtout le clergé séculier) et sous le régime hollandais, les religieux ne peuvent accepter de novices. Ils peuvent simplement continuer à vivre, jusqu’à leur extinction.