Nous avons eu la joie de célébrer la Sainte Claire, malgré le confinement et la canicule. La participation des fraternités laïques, de la paroisse et de nos amis nous a bien manqué. Mais notre communion avec eux tous était intense et la joie fraternelle autour d’un apéro manifeste, malgré les masques de sécurité ! Ce petit verre de l’amitié marquait aussi la dernière étape du jubilé de 50 ans de vie religieuse de sœur Christine, célébré dans l’intimité le 10 juin.
La belle homélie du frère Matthieu Smolders
Osée 2, 16b-17,6 ;21-22 / 2Co 4, 6-10,16-18 / Jean 15, 4-10
Les lectures que nous venons d’entendre sont bien appropriées à la fête de Sainte Claire. Saint Paul nous parle de la lumière qui brille dans nos cœurs. Le prophète Osée évoque une alliance si intime, si profonde qu’il lui faut recourir à l’image des épousailles pour en rendre compte. Jésus quant à lui nous invite à demeurer en lui comme il demeure en nous. Une lumière qui brille, une alliance passionnée, une hospitalité réciproque, ce sont là trois thèmes qui permettent d’évoquer la personne et la vie de Sainte Claire.
Elle porte en effet bien son nom de Claire. Sa personne et sa vie ont effectivement quelque chose de lumineux, de simple et de droit comme peut l’être un rayon de lumière. Alors que François est parfois tiraillé, indécis, voire angoissé, Claire suit la trajectoire d’une étoile filante, sans détour ni retour en arrière, dans une sorte d’élan irrésistible, ne reculant devant rien ni personne, fût-il le Seigneur pape.
Comment comprendre cette trajectoire d’un seul tenant, limpide et fidèle ? Quel en est le secret ?
Ce n’est pas la poursuite d’un rêve, d’un idéal ou d’un projet à réaliser qui mobilise Claire. Au départ comme à la fin, à la source, il y a la rencontre de quelqu’un, la découverte bouleversante de la personne de Jésus humble et pauvre. Elle n’a pas eu d’autre projet que de s’attacher à sa personne et de se donner à lui. Lorsque dans son Testament elle parle de François, reconnaissant tout ce qu’elle lui doit, elle le désigne comme « l’amant authentique du Fils de Dieu ». Son histoire à elle est une histoire d’amour, joyeux, passionné, persévérant.
C’est Jésus humble et pauvre qui la bouleverse et la fait naître à l’amour. « Le Maître du ciel et de la terre, dit-elle, s’est fait pauvre : pauvre à sa naissance, il fut déposé dans une mangeoire, pauvre il vécut dans le siècle, et nu il resta sur la croix ». La pauvreté de Jésus c’est ce qui la touche, non seulement parce que Jésus y révèle de quel amour il nous aime, mais aussi parce qu’il fait naître à l’amour. Par sa pauvreté non seulement il aime, mais il donne à Claire de l’aimer de toute sa tendresse de femme. Comme le dit Saint Paul « il enrichit par sa pauvreté ». Claire avec François avaient compris le sens de cette étrange parole. C’est que Jésus non seulement se donne mais, comme un pauvre, il reçoit, il se donne à aimer et c’est le miracle de la vraie rencontre.
L’amour sous la forme désarmée et vulnérable d’un enfant nouveau-né dans une mangeoire, c’est un amour qui donne résolument l’initiative à l’autre. Dans sa fragilité, il s’en remet à ceux qui l’aiment, il éveille la capacité d’aimer enfouie au fond des cœurs, il humanise ceux et celles qui s’approchent de lui.
Sur la croix, Claire contemple encore la pauvreté de Jésus. C’est Jésus qui se donne mais plus encore c’est Jésus livré entre nos mains et qui s’en remet à nous. Il sait ce qu’il y a dans l’homme et ce que les hommes feront de lui, mais il leur lave les pieds, reconnaissant leur dignité profonde et ignorée d’eux-mêmes, à savoir la capacité d’aimer. La pauvreté de Jésus, c’est l’amour qui rend aimant, la toute-puissance de la confiance qui fait naître l’autre à lui-même.
Ainsi se réalise une alliance entre deux pauvres : Claire a conscience de tout recevoir de Celui qui la croit capable de tout lui donner.
Cette rencontre personnelle de Jésus n’a pas lieu dans une sorte d’intériorité abstraite. Elle a lieu très concrètement au cœur de notre humanité à laquelle Jésus s’est uni et dans laquelle il demeure. C’est au cœur de la relation avec tous ceux et celles qui forment le Corps du Christ que Sainte Caire découvre comme dans un miroir le visage de Jésus humble et pauvre, offrant son amour et accueillant le nôtre, et en particulier en ceux et celles qui, comme dit Saint Paul, « portent dans leur corps l’agonie de Jésus ».
Claire est retirée dans un monastère mais c’est pour vivre davantage au cœur du monde ce mystère d’amour et pour en rayonner la lumière, pour demeurer en Celui qui demeure en nous, dans nos détresses, nos peines, nos impasses, nos pauvretés, pour y faire jaillir l’espérance et la joie, Sa vie et Sa résurrection.
Le verre de l’amitié
Christine Daine, Clarisse