Claire : « Lettre à une amie » N°1

Datée de 1234, cette lettre inaugure la correspondance entre Claire et Agnès de Prague. Claire  apprenant que la fille du roi de Bohême a renoncé au monde, lui écrit pour se réjouir avec elle, la féliciter et l’encourager dans ce choix. La lettre est composée autour de la métaphore du « commercium », ce « commerce » par lequel, en échangeant mari et biens terrestres contre Epoux céleste et très haute pauvreté, Agnès est assurée de goûter la joie du royaume de Dieu et la vraie richesse de l’Evangile du Christ.

 

« A la vénérable dame Agnès, fille du roi de Bohême, Claire, indigne servante de Jésus Christ et servante inutile des dames du monastère Saint-Damien, souhaite d’obtenir la gloire de la félicité éternelle.

Entendant la renommée de votre sainte conduite et vie, je me réjouis beaucoup dans le Seigneur et j’exulte. Et de cela, je puis exulter non seulement moi personnellement, mais avec moi tous ceux qui font et désirent faire le service de Jésus Christ. En voici la raison : alors que vous auriez pu jouir des honneurs et de la dignité et épouser l’illustre empereur, vous avez repoussé tout cela et plutôt choisi, de tout votre esprit et de tout l’élan de votre cœur, la très sainte pauvreté en prenant un époux de plus noble lignée, le Seigneur Jésus Christ. Sa puissance est plus forte, sa noblesse plus haute, son aspect plus beau, son amour plus suave et toute sa grâce plus exquise.

Aussi, sœur très chère, vous êtes épouse et mère et sœur de mon Seigneur Jésus Christ. Fortifiez-vous dans le saint service que vous avez commencé par ardent désir du pauvre Crucifié. Lui, qui a pour nous enduré la passion de la croix, nous réconciliant avec Dieu le Père.

       « Ô bienheureuse pauvreté, qui, à ceux qui la chérissent et l’embrassent, procure les richesses éternelles !

          Ô sainte pauvreté ! A ceux qui la désirent, Dieu promet le royaume des cieux …

          Ô pieuse pauvreté, que le Seigneur Jésus-Christ, qui régissait et régit le ciel et la terre, et qui dit et les choses furent faites, a daigné par-dessus tout embrasser !

Les renards, dit-il en effet, ont des trous et les oiseaux du ciel des nids, le Fils de l’homme, lui – c’est-à-dire le Christ –, n’a pas où reposer la tête, mais, inclinant la tête, il remit l’esprit.

Si donc un si grand et un tel Seigneur, venant dans un ventre virginal, voulut apparaître dans le monde, méprisé, indigent et pauvre, pour que les hommes, qui étaient très pauvres et indigents, souffrant l’extrême indigence de nourriture céleste, deviennent en lui riches en possédant les royaumes célestes, exultez beaucoup et réjouissez-vous parce que vous avez préféré le mépris du siècle aux honneurs, la pauvreté aux richesses temporelles, enfouir des trésors dans le ciel plutôt que dans la terre, là où ni la rouille ne ronge ni la mite ne détruit.»

 

Prière du jour et du cœur

Père très saint tu nous donnes Jésus

Qui s’est fait Chemin vers Toi.

Béni sois-tu pour Claire qui a choisi

Le chemin étroit du dépouillement

Nous révélant la perle cachée

Dont tu pares sa pauvreté